L’éclat Nova – Nouvelle personnalisée

Bonjour à tous! C’est avec grande joie que je vous partage ma première nouvelle personnalisée. Elle a été écrite à la demande d’une des deux gagnantes du concours, que je remercie chaleureusement pour sa confiance.

Si vous désirez avoir votre propre nouvelle, n’hésitez pas à me contacter!

C’est une nouvelle fantastique que je vous laisse découvrir, bonne lecture!

 

L’éclat Nova

 

 

 

La pluie tombait doucement sur la vitre. Le clapotement de l’eau contre le verre était relaxant pour la jeune femme. Enveloppée dans un plaid de couleur chocolat, une tasse de thé entre les doigts, Nova savourait cet instant chaleureux à l’approche de la saison automnale.

Un croquis était gribouillé sur son carnet à dessin, laissé sur la table non loin d’elle. Nova posa ses grands yeux noisette sur le ciel gris. Son reflet transparaissait sur le verre. Un visage rond, un nez aquilin, et des lèvres épaisses. À cette vue, elle soupira. Elle se sentait si quelconque.

Son existence était comme ce ciel pâmé de nuages. Terne et sans saveur. Plongeant sa main dans sa chevelure châtain, elle se demandait comment elle faisait pour être aussi peu éveillée à la vie.

La mélodie de la pluie la berçait doucement. Nova profitait de son dimanche, se demandant si elle aurait la force de se lever le lendemain, pour aller travailler. Chaque week-end, cette phrase lui revenait inlassablement à l’esprit « À quoi bon ? »

Cette routine dansante, comme un tourbillon incessant lui donnait mal au crâne.

Doucement, elle but une gorgée. Les minutes s’écoulaient comme l’eau tombait sur la vitre. Se levant progressivement, elle alluma son ordinateur portable, sélectionnant une musique de fond pour troubler les lieux. En flânant un peu sur ses dossiers, elle retrouva de vieilles photos d’elle et ses amies, toutes parties vivre ailleurs. Glissant un doigt sur l’écran, elle admirait le visage de Svetlana sa meilleure amie d’origine slave, qui avait emménagé en Lituanie. Faisant circuler les images pendant quelques instants, son regard se perdit dans le vide. Pour finalement fermer la fenêtre et lancer une musique d’ambiance « lounge ».

Ainsi elle vit son dimanche s’écouler. Inexorablement, le cours de la vie la rappelait à l’ordre. Demain, elle devra retourner travailler. Méticuleusement, elle se préparait pour la semaine. Elle passait en revue chaque élément qu’elle devait emporter : portable, classeur comportant tous ses dossiers en cours, thermos de thé propre et prêt à être rempli, gamelle pour le midi, trousse, clé USB… À défaut d’être exaltante, sa vie était bien rangée. Son appartement, bien que petit, ressemblait à un magazine Ikea. Son salon était dans les tons pastels, avec un canapé blanc, des plaids et des tapis en peaux de chèvre et de mouton, une jolie table basse en verre, un tapis en laine rose, strié de motifs géométriques, un rideau rose pale, des pots de fleurs ci et là. Quelque part, Nova ne se sentait pas totalement chez elle ici. Elle avait simplement calqué les tendances du moment dans son salon.

C’était sympathique, c’était agréable, mais il manquait quelque chose.

Lorsqu’elle fut fin prête, elle enfila un pyjama bleu ciel, se lava les dents et se dirigea dans la chambre pour se coucher. La pluie s’était intensifiée. L’encre de la nuit s’étalait dans le ciel et les nuages camouflaient toutes les étoiles. S’approchant de la fenêtre de sa chambre, Nova, observa attentivement ce néant d’eau et de vide. L’orage se fit entendre au loin, comme une menace qui s’approchait du fin fond des ténèbres. Tapotant de ses doigts fins sur la vitre, elle ne prit pas conscience sur l’instant, de l’éclat doré qui passait sous son nez.

Cela ressemblait à un éclair, mais c’était plus insaisissable encore. Un éclair sans le moindre bruit, même pas un vrombissement lointain. Pendant une fraction de seconde, il lui semblait voir comme en plein jour. Et elle jura apercevoir un visage fin, dans le méandre des nuages conglomérés.

Puis ce fut à nouveau la pluie, la nuit noire et l’orage en fond sonore. Nova secoua la tête. Elle crut avoir rêvé. Cette vision était si irréelle. Sans doute la fatigue l’accablait-elle. Elle qui n’avait pas fait grand-chose de sa journée. Mais la lassitude n’aidait en rien sa psyché.

Nova prit la décision d’oublier ce qu’elle venait de voir.

« Sans doute une hallucination »


Elle répétait cette phrase comme un mantra, pour la rassurer. C’était la chose la plus ahurissante qu’elle avait vue de sa vie. Cela ne pouvait être réel.

Dans le confort de sa couverture, Nova se laissa bercer par le son de la pluie, des éclairs qui perçaient le ciel et du bruit de sa respiration.

Son sommeil fut des plus agités. Dans l’obscurité de ses songes embrouillés, elle se souvient d’une figure auréolée d’une lumière dorée et d’un regard bleu perçant qui la suivait, partout où elle allait. Une sensation de brûlure intense dévorait sa chair et c’est en sueur qu’elle se réveilla, au son de son réveil tonitruant.

Une nouvelle journée l’attendait.

Le matin embrasait sa vitre. Doucement, les rayons vinrent baigner son visage ensommeillé. Se frottant les yeux, Nova se leva péniblement, éteignant son réveil d’un geste brusque. Mécaniquement, elle se prépara, comme tous les jours de la semaine. Elle se brossa les cheveux tout en se fixant dans le miroir, essayant de se donner mentalement du courage.

Mais très vite, des idées noires l’assaillirent.

« Tu n’as rien de spécial, ma pauvre fille… »


Soupirant, elle allait quitter la salle de bain, lorsqu’une voix retentit dans sa tête.

« Tu es magnifique, Nova. »


La jeune femme bloqua un instant. Cette voix venait-elle des tréfonds de son esprit ? Secouant la tête, elle quitta la pièce et se dépêcha de s’habiller pour partir travailler. Le ciel gris était percé de quelques trous solaires. La simple vue de la toile bleu azur dans ce décor de grisaille lui arracha un sourire. Le reste fut banal. Le trajet à travers le périphérique toulousain était toujours aussi stressant. C’était fou comme les gens devenaient irritables lorsqu’ils devaient être à l’heure.

Enfin arrivée devant le local de son travail, un grand bâtiment gris, de béton, de vitre et d’acier, Nova marcha d’un pas précipité pour pouvoir badger un peu à l’avance. Elle salua Marine de l’accueil. La voici donc à son entreprise qui était plus une association d’évènement culturel qu’une SARL ou autre chose.

Elle salua à tour de bras ses collègues. Florent, le musicien rêveur, avec sa longue chevelure toujours bien entretenue, d’un brun aux reflets roux. Stéphanie ou encore Sabrina, sa collègue de la comptabilité, avec ses rondeurs et sa bonne humeur permanente. Elle était adepte du positivisme à outrance, qui mettait quelque peu mal à l’aise la jeune femme.

— Oh, tu n’as pas l’air en forme !

La voix aiguë de Sabrina la fit sursauter. Nova esquissa un faible sourire et lui répondit d’une voix intimidée.

— Si, ça va.

— Oui, tu sais, si tu vois le positif dans les petites choses du quotidien, je suis certaine que ta vie sera plus belle !

Penchant la tête sur le côté, la jeune femme essaya de ne pas soupirer. Pour sa collègue, tout était facile, il suffisait de le vouloir. Pourtant, elle voulait être heureuse. Elle était persuadée que tout le monde le voulait. Si ce n’était qu’une question de volonté, une bonne partie de la planète serait euphorique.

— Si tu veux, Sabrina…

— Mais non pas si je veux, si tu veux toi !

— Aller Sabrina, laisse-la tranquille va…

Sebastian venait d’intervenir. C’était le président de l’association. C’était un homme de quarante ans au visage émacié et à la barbe de deux jours parfaitement entretenue. Sa chevelure noire était clairsemée de cheveux blancs qui lui donnaient un air de George Clooney. De stature imposante et athlétique, il faisait glousser les femmes de l’entreprise.

— Mais monsieur le président, Nova est toujours déprimé, ce n’est pas bon pour elle !

Sabrina ne faisait pas vraiment exception à la règle et son attitude changea quelque peu à l’approche de Sebastian. Inconsciemment, la petite femme prit une pause quelque peu suggestive, ses yeux papillonnaient et un sourire mièvre apparut à son visage. Nova roula les yeux en voyant cela. Pour sa part, le président ne lui faisait ni chaud ni froid. Il faisait bel homme, mais elle n’appréciait pas vraiment sa personnalité. C’était un homme qui avait une forte tendance à vouloir tout contrôler, que ce soit lui-même ou les autres. Il lâchait parfois des petites phrases piquantes, enrobées de miel. Il adorait le passif agressif, bien entendu, il n’allait jamais l’avouer, mais c’était son mode de fonctionnement favori.

— Allons, nous avons beaucoup à faire aujourd’hui, et nous avons un nouveau à accueillir.

— Un nouveau, vraiment monsieur le président ?

La voix pleine de trémolos de sa collègue manqua de faire grincer des dents Nova, qui serra les poings à défaut de pouvoir exposer son ennui. Cependant, la nouvelle lui mit un peu de baume au cœur. Un nouveau allait pouvoir égayer sa journée. Elle espérait sincèrement qu’il était sympathique et qu’il ne passerait pas son temps à flirter avec Sabrina.

— Oui, un jeune homme fringant et motivé ! Il s’appelle Alexandre, il arrive bientôt, il m’a prévenu qu’il était bloqué dans les bouchons du périphérique.

— Oh le pauvre !

Se massant le front, la jeune femme se posa quelques questions sur le jeu d’acteur évident de sa collègue. Puis elle opina doucement et repartit à ses occupations, devant le regard perplexe de son président qui sans doute, devait la trouver asociale.

Alors qu’elle prenait place à son bureau pour travailler sur une affiche d’un évènement culturel à venir, Nova se demandait comment elle faisait pour survivre dans cette mascarade perpétuelle. Tout le monde quasiment dans sa boîte, lui semblait faux. Sabrina et ses sourires mielleux et son positivisme étouffant, le président et son air parfait cachant ses mauvais penchants et sa considération désastreuse de l’humain en général, Valentin, le petit nouveau de la comptabilité, qui s’amusait à juger absolument tout ce qui se tramait dans les locaux… Et elle, qui ne savait pas où elle allait et qui se contentait de venir travailler. Elle était d’ailleurs efficace. Comme la jeune femme ne passait pas son temps à lambiner, ses missions se faisaient vite. Son seul bémol était la sociabilité. Face aux artistes, aux directeurs de théâtre et aux présidents de revues, on ne l’envoyait jamais. Sa tâche principale consistait à la coordination, à la gestion et à l’organisation.

Finalement, cela lui convenait très bien. Mais elle savait bien au fond d’elle-même que quelque chose lui manquait terriblement.

Entortillant ses cheveux d’un air songeur, elle pensa à nouveau à l’arrivée d’Alexandre.

***

Alors que le calme s’était installé dans l’entreprise depuis une petite heure, la voix du président résonna dans les couloirs. Comme une étincelle, l’agitation prit possession des lieux et attira de nombreux curieux qui quittèrent leur bureau pour aller saluer le nouvel arrivant. Des exclamations, du brou-ah, se répandit comme une traînée de poudre jusqu’aux oreilles de Nova, qui était pourtant particulièrement concentrée sur son affiche.

Poussant un soupir, la jeune femme s’étira comme un chat avant de quitter à son tour la petite pièce qui lui servait de bureau pour rejoindre les autres.

Ils étaient une dizaine agglomérés autour du président et du dénommé Alexandre. Esquissant une moue, Nova peinait à comprendre ce mouvement de masse soudain pour un nouveau venu. Dans le grand salon d’accueil était installé un jeune homme, d’environs 25 ans, au sourire éclatant et à la chevelure blonde comme les blés. Sa peau était légèrement dorée et ses lèvres pleines semblaient aussi juteuses qu’une pêche ensoleillée. Toutes les femmes de l’entreprise étaient en pâmoison devant lui et même le président n’arrivait pas à détacher son regard de sa personne.

Si en temps normal, ce genre de bellâtre n’était pas sa tasse de thé, pour une fois, Nova ne pouvait renier que cette personne avait un charisme solaire. Tout son visage semblait illuminé d’une lumière éclatante. Dans ses yeux brillait une vive lueur, qui sans qu’elle comprenne pourquoi, instilla une douce chaleur dans son cœur. Sa peau si froide devint électrique et un frisson vint saisir sa nuque.

— Ah, Nova, tu tombes bien ! Voici Alexandre ! Il travaillera avec toi en gestion, tu es si souvent débordée !

Toutes les femmes tournèrent leur regard vers elle, dardant leurs prunelles jalouses et leurs rires de dindon, ce qui la mit mal à l’aise. Mais Alexandre posa ses prunelles azur sur elle, ce qui eut le don de l’apaiser très rapidement.

— C’est un plaisir de te rencontrer Nova, j’espère que notre collaboration se passera au mieux.

Sa voix était chaude et douce, comme un chant céleste. Sans le vouloir, Nova plongea son regard dans le sien, captivé par cet être semblant presque irréel.

Durant quelques secondes, elle eut l’impression de revoir cette vive lumière qui l’avait ébloui dans la nuit. Cet éclair saisissant, ce sourire doux et si paisible s’imprégnèrent dans son esprit comme une marque indélébile.

C’est l’éclat de la tessiture désagréable de Sabrina qui coupa cet instant.

— Quelle veinarde ! Tu nous le prêteras un peu quand même, hein Nova ?

Cette phrase semblait être de la taquinerie. Mais sa voix suintait la jalousie. Sans crier gare, Nova riposta.

— Je pense qu’Alexandre est assez grand pour se gérer, ce n’est pas un gâteau non plus, je n’ai pas à le partager…

Tous les regards se posèrent sur elle. C’était la première fois que Nova était aussi piquante. D’habitude, elle préférait éviter le sujet, elle esquivait les situations pénibles. Quand elle ne pouvait pas s’enfuir, elle esquissait un sourire forcé. Mais là, elle ne savait pas pourquoi, cette réplique était venue toute seule. Elle sentait ses veines bouillir, son corps chauffer, sa nuque se raidir. Comme si cette tension ambiante la rendait malade.

Devant ses yeux, des dindes, qui se battaient littéralement pour l’attention de beau jeune homme. L’atmosphère suintait d’hypocrisie et d’envie. Sa gorge se serrait et la nausée montait progressivement.

— Allons, mesdames, je viens ici pour travailler.

Alexandre esquissa un sourire équivoque. Nova ne savait si la situation lui semblait agréable ou s’il était lui aussi, gêné.

— Justement, on va arrêter de lambiner et s’y mettre !

Le président se leva en clopant de ses grandes mains, incitant chaque présent à retourner à ses occupations. Les autres obtempérèrent non sans souffler. Il guida ensuite Alexandre et Nova vers les bureaux des gestionnaires. Pendant une demi-heure, et avec l’aide de la jeune femme, il expliqua le fonctionnement de l’entreprise au nouveau venu. Celui-ci écouta attentivement, bien qu’il portât toute son attention sur sa collègue plutôt que sur son patron. Un sourire énigmatique ne quittait pas ses lèvres lorsqu’il la regardait, ce qui la troubla au plus haut point. La jeune femme vint à se demander si cet Alexandre n’était pas un séducteur.

***

Nova n’espérait qu’une chose, retourner au calme de sa journée organisée. Les œillades d’Alexandre l’avaient mise mal à l’aise, mais au fond d’elle-même, une sensation lui collait aux basques, semblable à une sangsue affamée. Elle voulait rester en sa présence. Son aura, sa chaleur l’envoûtait sans qu’elle comprenne pourquoi. Ses yeux limpides étaient comme un lagon paradisiaque, sa chevelure dorée comme une cascade ensoleillée et irréelle qu’elle rêvait de caresser. C’était la première fois qu’elle était dans cet état. Elle avait bien eu des petits amis, mais ses histoires s’étaient avérées fades et sans exaltation.

Jamais elle n’avait senti sa peau se consumer ainsi. Sa chair était comme la braise ardente dans l’âtre, sa gorge se nouait dès qu’elle croisait son regard, dès qu’elle humait son parfum de myrte. Elle fut intriguée par son odeur presque religieuse, un reste d’encens semblant émaner de sa chevelure.

C’était encore plus dur vu qu’il fut installé directement dans son bureau, sur un petit espace installé à la va-vite. Elle essayait tant bien que mal de se concentrer sur son affiche, mais c’était extrêmement compliqué en sa présence.

— Excuse-moi Nova, est-ce que tu pourrais m’aider sur ce dossier, j’ai du mal à comprendre.

Il n’arrivait décidément pas à la vouvoyer. Même Sebastian fut surpris de la familiarité qui s’était instaurée entre eux si vite. Elle n’avait pas osé lui demander de cesser de la tutoyer, tant dans sa tête, c’était le déluge. Elle retint alors un soupir et se leva, s’approchant de lui pour l’aider sur le dossier qu’elle lui avait demandé de gérer.

C’était pourtant un dossier très simple qu’il fallait corriger, remettre en forme pour finaliser l’envoi presse.

Il la fixait avec un sourire mutin sur les lèvres. Plus elle s’approchait de lui, plus elle sentait la chaleur irradiante embraser tout son corps. Durant quelques instants, elle crut défaillir, tant la fièvre devint incandescente. Sous ses yeux, elle vit Alexandre se transfigurer, auréolé d’un éclat céleste. Durant quelques secondes, elle fut persuadée de faire face à un être venu d’ailleurs, du fin fond de ses rêves les plus inavoués.

Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Elle s’entendait parler, lui expliquer quoi faire d’une voix mal assurée, tandis qu’il la dévorait du regard de manière indécente. Sa main vint effleurer la sienne, alors qu’elle essayait de lui montrer un élément important sur son dossier Word. Cet effleurement était d’une douceur inégalée, éveillant en elle un flot d’émotions inédit, qu’elle peinait à contrôler.

— Tu es si belle Nova, c’est si triste que tu t’enfermes ici, entouré de gens si néfastes.

Nova peinait à comprendre, mais elle se laissa bercer par cette sensation si délicieuse, comme si elle s’enfonçait dans un cocon de soie et de satin. Alexandre se leva de sa chaise et vint l’attraper par les hanches, l’attirant à lui. Elle entrouvrit la bouche, surprise, et pourtant l’excitation montait en elle.

Alors qu’il approchait ses lèvres des siennes, un bruit fracassant se fit entendre. Des cris se propagèrent dans les couloirs, comme des furies acharnées hurlant à tout rompre. Nova allait se défaire de son étreinte, mais Alexandre ne lui en laissa pas l’occasion, la serrant davantage contre lui, d’un air déterminé.

Les gonds de la porte se mirent à trembler. Elle n’était pas fermée à clé, mais des dizaines de voix se firent oppressantes, des dizaines de mains se mirent à tambouriner contre le bois verni de la porte, celle-ci demeurant étrangement scellée.

— Mais que se passe-t-il ? On se fait attaquer ?

— Je vous avais dit, vous méritez mieux que ça.

Nova s’agita, regardant partout autour d’elle. Mais elle n’eut pas le temps de poser une autre question qu’Alexandre la souleva, la portant comme une princesse, cherchant une issue de secours.

— Il… Il n’y a qu’un accès ! Mais que se passe-t-il ?

Il allait répondre lorsque la porte finit par exploser, dans un fracas tonitruant, les autres employés s’entassèrent comme des animaux enragés, fixant Alexandre avec une avidité des plus malsaines.

— Alexandre !

Dans le brouhaha, elle reconnut la voix de Sabrina, ou encore Sébastian, leur patron. Ils étaient tous là en vérité, se dirigeant à toute allure dans leur direction. Ils hurlaient à s’en arracher la gorge, dans un désir ardent de posséder cet être si fascinant.

Elle vit dans leurs yeux tous leurs vices exacerbés. L’envie, la jalousie, le désir, la possessivité. Tout dégoulinait littéralement de leurs faces déformées par la haine. Le jeune homme ne se laissa pas démonter, serrant son étreinte sur Nova, il fondit sur la foule dans un éclat éblouissant. C’était un faisceau de lumière, semblable à celui qu’elle avait perçu dans la nuit, mais bien plus intense et foudroyant.

Nova se sentit emportée, mais durant une fraction de seconde, elle encaissa la poigne de ses collègues enragées qui tentaient de la retenir sans vergogne. Sa chair fut agrippée, tirée de toute part, jusqu’à ce qu’elle soit libérée de cette emprise par Alexandre qui atterrit avec elle, par elle ne savait quel miracle, à l’autre bout du couloir, bien loin de son bureau. Seule sa chaleur incendiaire s’exhalait sur sa peau meurtrie désormais.

Ils n’eurent que peu de répit. Ses collègues zombifiés les repérèrent et foncèrent à nouveau vers eux, comme des êtres affamés par l’aura incandescente du nouveau venu. Comme une vague déferlante, un flot luminescent vint illuminer cette masse d’êtres désarticulés, laissant un peu de temps à Alexandre et Nova pour s’éloigner.

— Qu’est-ce qui leur prend ? Je ne comprends pas !

— Ce sont des gens envieux et misérables et ils préfèrent désirer ce que les autres ont plutôt que chercher ce qu’ils veulent vraiment.

Nova sursauta lorsqu’elle entendit un cri guttural, venant d’un de ses collègues ayant réussi à s’approcher d’eux.

Alexandre fit apparaître de nulle part une épée de lumière et porta un coup dans le thorax de l’être zombifié.

— Non, ne les blessez pas !

Elle avait fermé les yeux, terrorisée. Au fond, ils restaient ses coopérateurs. Elle avait si peur d’avoir à se justifier auprès des autres, de les blesser, même si en réalité, elle leur en voulait. Son environnement était une prison dans laquelle elle se complaisait par dépit.

Soudain, une collègue approcha, se jetant sur Alexandre et tentant de l’embrasser de force. En voyant son visage, Nova eut envie de vomir. Ses traits étaient déformés par la jalousie et la haine pure. Elle se souvint alors de ces moments pénibles ou elle devait faire face aux gens lorsqu’elle recevait des compliments, lorsqu’elle réussissait quelque chose dans sa vie et que de l’autre côté, tout n’était que mépris, jalousie et orgueil mal placé.

Cela alluma en elle une flamme vive et intense, une étincelle de rage, qui la poussait à préserver ce qui lui appartenait de droit.

Se dégageant de son étreinte, la jeune femme porta un coup fulgurant au visage de l’assaillante, la faisant voler de quelques mètres. Nova fixa sa main, tremblante, impressionnée par sa propre force qui semblait avoir été décuplée dans le feu de l’action.

— Je… je n’en peux plus… Cessez de convoiter ce qui me rend heureuse, en permanence !

Sa voix résonna dans toutes les pièces, faisant cesser le glapissement et les grognements des zombies. Tous se figèrent. Alexandre esquissa un sourire ravageur. Sabrina, Valentin, Sebastian, Rémy de la communication, Samantha de l’administration, tous ces êtres qui l’avaient si longtemps rongé, parurent si désœuvrés à cet instant. Elle sentait tout leur désespoir, leurs craintes les plus profondes, les cicatrices cachées sous le fond de teint, les sourires faux et les œillades factices.

— Tu vois, tu te croyais inutile et vide, mais au fond de toi se cachait toute ta beauté, qui ne demandait qu’à éclore.

Sa poitrine se serrait. Sa respiration se fit haletante. Devant ses yeux, elle revit ses moments où elle se laissait emporter par la joie, la passion. Ces moments qu’elle avait tant refoulés, par peur du regard des autres. Elle aimait danser, écouter de la musique, elle aimait le travail bien fait. L’odeur du café au petit matin. Elle aimait s’investir, aider les autres. Elle aimait la douce sensation d’une étreinte chaleureuse, qu’elle a si longtemps fuie, par peur d’être blessée. À mesure qu’elle se remémorait ces instants, elle vit le regard de ses collègues changer. À nouveau, cette jalousie, cette frustration dégoulinante, se figeait sur leurs traits haineux.

— Tu ne peux rien faire pour eux.

Nova glissa son regard vers celui d’Alexandre. Elle savait au fond, qui il était. Il incarnait toute la beauté, la flamme qui l’animait chaque jour. Cette étincelle qu’elle avait refusé de laisser croître. Avec douceur, il caressa sa joue de ses doigts brûlants. Petit à petit, cette chaleur incandescente devint mielleuse et cotonneuse.

— Êtes-vous un rêve ? demanda Nova, tremblante. Elle avait peur de le voir s’évaporer au petit matin, comme tous ces songes fabuleux qui s’égrenaient à mesure que le soleil se levait.

Il lui sourit, glissant ses lèvres sur sa tempe. Cette sensation si désirée et rêvée, elle la savourait. La suavité de ses lèvres, s’apposant sur son visage comme un effleurement tendre et divin. Il inondait ses joues de tendres baisers, sa nuque, son front, jusqu’à joindre leurs bouches en un baiser intense et fougueux.

Plus rien n’existait autour d’eux. L’entreprise, les couleurs ravagées, les zombies, ils n’étaient plus là. Seuls l’exaltant parfum des roses, un paysage de jardin ensoleillé, et Alexandre qui la serrait contre lui, intensifiant le baiser. Sa chevelure embaumait le myrte, sa peau était si douce et c’était tout ce qui comptait.

***

Par sa fenêtre, le soleil vint darder ses rayons sur sa peau. Elle était enroulée dans ses draps, son corps tout en courbe semblait paisible. Doucement, elle cligna des yeux, se relevant précipitamment.

Tout cela n’était-il qu’un rêve ?

Elle ne le savait pas, mais elle se sentait légère, libérée. Mettant un peu d’ordre dans sa chevelure, elle prit le temps de respirer, d’observer sa chambre illuminée par l’astre céleste.

Soudain, elle tiqua. Sa chevelure sentait le myrte, ce doux parfum religieux dont émanait Alexandre.

Elle réalisa que la pièce était bien plus vaste. Des pots de fleurs majestueuses ornaient les étagères. Les fenêtres étaient désormais des baies vitrées. Le sol était en marbre et une carpette en fausse fourrure était disposée pour qu’elle n’ait pas froid au pied.

Sa chambre était bien plus chaleureuse qu’elle ne fut jamais. En se levant, elle explora son propre intérieur, transfiguré. Tout était plus lumineux, plus décoré, plus romanesque. Abasourdie, elle admira les lieux, ne sentant pas arriver Alexandre qui l’attrapa par les hanches.

— Bien dormit mon amour ?

— Ah, ce n’était pas un rêve !

— Notre vie est un rêve voyons, un rêve éveillé !

Il rit aux éclats, venant cueillir un baiser sur ses lèvres. Elle ne savait pas quoi penser. Tout ceci était-il réel ?

Elle le regarda partir dans la cuisine. Elle se dirigea dans sa chambre et chercha son téléphone portable. Sa messagerie se révélait être pleine de messages d’encouragement.

« Bon courage pour ton nouveau projet de vie Nova, tu nous manqueras à la boîte. »

«  On t’aime Nova ! Bon voyage ! »

Voyage ? Nouveau projet ? Elle ne comprenait rien. Après tout, elle voulait du changement, un sens à sa vie. Petit à petit, tout lui semblait clair et évident. Comme si cette situation coulait de source.

Alexandre et elle étaient tombés amoureux. Il n’y avait pas eu de zombies, juste des prises de tête et une prise de conscience. Elle voulait voyager avec Alexandre, lancer sa propre boîte. Tout lui revenait, comme de l’eau de roche.

Nova prit une grande respiration, heureuse. Oui, ces zombies, c’était bien un cauchemar, mais maintenant, elle était réveillée.

Attrapant une robe de chambre en satin qu’elle adorait, elle rejoint son amant dans la cuisine, chantonnant un air qui lui hantait l’esprit.

«  When I was younger and I hated fun
I was always looking back on what I should have done
I used to live my life in fear
Of the terrible performances that brought me here
But
I’m looking forward, I’m looking forward
I’m looking forward now
I’m looking forward, I’m looking forward
I’m looking forward now »

Alors qu’elle quittait la chambre, elle sursauta. Une ombre venait de passer sous son nez. Pendant une fraction de seconde, elle fut persuadée d’avoir aperçu la silhouette d’un être trapu, aux cornes de boucs et aux sabots de chèvre. Secouant la tête, elle haussa les épaules. La fatigue devait encore l’accabler.

Oubliant cette ombre, elle reprit son chemin vers l’amour de sa vie, n’entendant pas le rire amusé du petit être portant une lyre.

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